A la fin du siècle dernier, je m’étais intéressé à Bob Aubrey et à son « Entreprise de Soi » et j’avais initié chez Bull la première expérience de développement individuel prenant appuis sur ce concept. Vingt ans plus tard quelle n’est pas ma surprise de voir se mettre en place une révolution du travail dont les fondamentaux trouvent leur source dans l’Entreprise de Soi.
Dans le monde de « l’après emploi « ( voir sur ce blog le post : Vers la fin de l’emploi, une révolution est en marche) nous assistons à une remise en cause profonde des fondamentaux du travail. Dans le monde classique de l’entreprise, le travail est affecté à un poste ou un emploi qui trouve sa place dans une organisation stable et délimitée et sa réalisation donne lieu à des récompenses de nature plutôt traditionnelles comme par exemple un salaire ou une rémunération de long terme. Dans le monde vers lequel nous nous acheminons avec ses consultants free-lance et ses travailleurs indépendants, entrepreneurs d’eux-mêmes, le travail ou l’activité à réaliser n’est plus affecté à un emploi mais déconstruit en portions ou lots réalisables et mesurables confiés à des organisations indépendantes du donneur d’ordre, ouvertes, interconnectées, flexibles et collaboratives. La réalisation du travail donne lieu à un mode de rémunération non salarial d’un type nouveau très individualisé et différentié. La question devient dès lors pour l’entreprise une question d’intensité dans la transformation de l’organisation de son activité pour obtenir le meilleur résultat. Jusqu’où veut-on déconstruire l’affectation du travail à un emploi? A combien d’intervenants est-on prêt à confier les sous éléments de ce travail? Veut-on toujours des employés ou bien est-ce que l’on transfère tout au dehors de l’organisation? Jusqu’à quel point est-on prêt à ouvrir l’organisation existante sur l’extérieur ? Jusqu’où est-on prêt à collaborer avec des partenaires ? Comment est -on prêt à rémunérer le travail ainsi réalisé ?
Pour la fonction Ressources Humaines ces évolutions représentent un défi important. Non seulement d’ordre juridique et financier pour s’assurer que ce qui est pratiqué peut l’être, mais bien plus important d’ordre éthique. La fonction Ressources Humaines a en effet un rôle primordial et une expertise sur les questions de valeurs, d’engagement, de rémunération, d’organisation du travail et de structuration des modalités d’emploi. Il va falloir modifier en profondeur le logiciel de réflexion de la fonction. Celui-ci s’articule aujourd’hui autour de la notion d’emploi salarié et de ses corollaires, image de marque employeur, taux d’attrition des employés, engagement des employés, contrats de travail, effectifs , équivalents temps plein etc… L’emploi salarié disparaissant progressivement, il faudra réinventer un nouveau logiciel et réfléchir en termes de talents et non plus d’employés. Planification des talents , attraction et détection, sélection, déploiement, développement, récompenses, séparations sont des notions familières des ressources humaines.Il faudra les appliquer de manière plus holistique. Embrasser l’interne et l’externe pour être à même de fournir à l’organisation les éléments nécessaires à son activité.
Ces évolutions peuvent paraître lointaines car en France nous avons une législation sociale très(trop?) développée qui les freine. Il me semble cependant que l’hégémonie américaine en matière de concepts managériaux, qu’on l’aime ou pas, avance comme un rouleau compresseur et transforme la gestion de nos entreprises en profondeur faute d’invention d’un modèle européen. Le rapport sur l’évolution du travail salarié remis au ministre du travail par le DRH d’Orange ces jours derniers, constitue un signe avant coureur de cette tendance au travail indépendant qui concerne déjà volontairement ou non 10% de la population active chez nous.
* Lead the Work , navigating a World Beyond Employment