Après un événement d’une telle ampleur rien ne sera plus comme avant. La situation de crise actuelle aura un effet durable sur les membres de la société et donc sur celle-ci. Le discours de résilience actuel cache un désir profond de voir les équilibres préalables reprendre leur place et absorber le choc des attentats sans déformation durable. Ce n’est sans doute pas possible. L’organisation sociétale portera dorénavant les stigmates de cet événement comme elle porte les cicatrices des événements qui ont marqué son histoire dans le passé. Pour le dirigeant d’une entreprise considérée comme une collectivité humaine il y a là matière à réflexion. En effet l’entreprise n’est pas à l’abri d’un événement soudain au pouvoir destructeur. Malversation, scandale, accident industriel, crise financière, perte de compétitivité, espionnage, émergence d’une innovation technologique. Ces événements entraînent en général des changements profonds impliquant bien souvent des réductions d’effectifs vécues comme une mort sociale par les victimes et les survivants. Maintenir la cohésion de la collectivité de travail et son pouvoir d’action au delà de la crise est alors un élément clé du redressement. Les réactions de la population aux événements du 13 novembre sont à cet égard riches d’enseignement. La sidération initiale face à l’impensable fait rapidement place aux émotions. La tristesse, la compassion, l’abattement. Dans une tentative de reprise de contrôle émergent ensuite le sentiment d’injustice et la colère , puis le besoin de s’exprimer, de se réunir pour célébrer et partager, d’échanger entre survivants permet un début d’acceptation. Ensuite très rapidement vient la recherche d’une explication rationnelle, le besoin de comprendre, d’identifier des responsabilités, pour servir de socle au projet futur. Cette phase s’accompagne de la recherche d’un leader digne de confiance et détenteur de l’autorité pour protéger et engager la reconstruction. C’est le rendez-vous qu’a le dirigeant avec le succès ou l’échec de son entreprise de reconstruction d’un futur collectif. Sa capacité à comprendre ce qui se joue et à composer avec les émotions présentes en donnant la place et le temps nécessaires à l’expression des différentes phases de crise tout en canalisant celles-ci et en utilisant des leviers essentiellement humains, sont les conditions d’une transition réussie.