Pourquoi est-ce si difficile d’engager un changement profond au sein de l’entreprise? Pourquoi le nombre d’échec est-il si important ? De l’ordre de la moitié des changements entrepris n’aboutissent pas. Comment éviter ces situations désastreuses? Nombreux sont ceux qui se sont intéressés à ces phénomènes et ont élaboré des méthodes pour « conduire » ou bien « accompagner » le changement. Le propos ici n’est pas bien sûr de nier l’importance qu’il peut y avoir à s’engager dans le changement d’une manière organisée et structurée. J’ai envie de dire que c’est le « b.a ba » de toute activité. Un pied devant l’autre pour avancer, une prise après l’autre pour grimper … Kotter et son changement en huit étapes est un bon exemple de ce qu’il est sans doute important d’avoir en tête dans une situation de changement. Et pourtant…Est-ce suffisant?
De la méthode mais pas uniquement
Nombre de leaders, adeptes du bougisme, soucieux de changer les choses rapidement- car aujourd’hui serait-on un leader qui se respecte sans « changer » ?- s’engagent dans cette voie avec un volontarisme nourri par le sens du progrès. Ils croient que sans changement pas de progrès et sans progrès pas de bonheur ! Que demain sera meilleur, « du passé faisons table rase… » Absorbés par leur soif de transformation ils oublient ( mais l’ont-ils jamais su?) que le monde a existé avant eux, que des succès ont été remportés par les équipes qui les ont précédées et que ces succès sont les racines des succès de demain. Schumpeter et sa destruction créatrice est passé par là, les dinosaures n’ont pas survécu car il leur était impossible de se transformer et de s’adapter nous dit Darwin. Alors oui les acteurs de l’entreprise d’aujourd’hui n’ont en tête qu’une volonté profonde de créer du neuf, de l’agile, de l’adaptable, de l’arbre…. en pot, transportable partout, transposable dans n’importe quelles conditions. Ils ne voient qu’une nécessité de déracinement pour vivre dans un monde changeant à toute vitesse, soumis à des bouleversements permanents. L’entreprise devient alors pour eux une entité hors-sol donc sans racines, ces racines qui retiennent selon eux le changement et ancrent la communauté de travail dans le passé et donc empêchent l’émergence du progrès désiré et entraînent l’organisation dans un cycle d’échec réel ou potentiel. Ce faisant ils oublient qu’avant d’être empoté l’arbre s’est transformé, a poussé et s’est nourri de ses racines plantées dans un humus propice à la captation des éléments de sa croissance. Qu’est ce que cela nous dit des conditions d’une réussite du changement dans les entreprises ?
Le recours aux émotions
L’ancrage de tout changement sur les acquis du passé est une condition de son succès. L’enracinement précède le changement. Ce n’est que rassurés dans leurs croyances passées et dans la célébration des valeurs qui ont posé les bases du collectif que l’on peut amener les équipes à se poser les bonnes questions sur leur adaptation à l’environnement nouveau et à définir les principes et actions porteuses d’une transformation durable. Plus la compréhension de ce qui faisait la réalité d’hier et son succès, est profonde, plus les chances de comprendre ce qui doit être changé sont grandes.Cette démarche ne se développe pas dans une démarche rationnelle mais dans l’invitation des émotions au banquet du changement.
Une fois partagée par tous émotionnellement une même compréhension des points d’accroche de l’activité passée , il est alors possible de s’engager collectivement sur ce qui pourrait être différent demain. Cette prise de conscience des possibles de demain et des nouveaux points d’accroche est en soit le moteur du lâcher prise nécessaire à la transformation. Ce n’est qu’émotionnellement engagés sur leurs racines et comprenant comment celles-ci peuvent perdurer dans le futur en construction, que les équipes s’engageront et auront la volonté de bouger.
Un guide respectueux des héritages symboliques
Le rôle du leader est alors d’accompagner la transition de manière progressive en veillant au respect des traditions et des héritages symboliques qu’il trouve dans la société objet du changement voulu. Face à une population de collaborateurs déboussolés, tentés par un immobilisme mortifère, il devient le vecteur d’une transformation enracinée. A cette étape il nourrit les nouvelles pratiques et les nouvelles conditions d’exercice de l’activité en insistant sur la pérennisation du socle émotionnel dans l’émergence du nouvel état. C’est ainsi que les changements seront portés et mis en oeuvre de manière solide. Si dans cette phase de transformation le passé est ignoré au profit d’une vision non délimitée , les équipes regarderont en arrière et seront tentées par un replis rassurant sur les ancrages passés au lieu de nager vers un grand large sans limite qui est lui par nature inquiétant. Il est crucial dès lors pour le leader de savoir et de faire savoir d’où l’on vient , où on est et où on va collectivement. Ce qui permet la réussite d’une transformation c’est donc la capacité du leader à casser la solitude du salarié aspiré à toute vitesse par un futur inconnu, de lui donner des repères lui permettant de se construire un avenir dans la nouvelle réalité en construisant celle-ci progressivement dans une dynamique en spirale qui a chaque étape du changement, comme une vis, prend appuis sur les bases des circonvolutions précédentes et ainsi permet d’éviter qu’il ne sombre dans le désarroi peu propice à l’action.
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